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La filière de matériaux biosourcés a-t-elle les capacités de répondre aux nouveaux enjeux du secteur du bâtiment ?

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À compter du 1er janvier 2030, l’usage des matériaux biosourcés ou bas-carbone représentera au moins 25% des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique selon l’Article L228-4 du Code de l’environnement.

Nous l’avons vu dans notre étude dédiée, les bioressources utilisées par le secteur du bâtiment représente aujourd’hui seulement 2% des principaux gisements. Alors, si ces ressources sont disponibles, la filière industrielle des matériaux biosourcés a-t-elle néanmoins la capacité de répondre aux attentes du marché ?

Des capacités de production doublées depuis 2020

Dans le contexte d’évolution croissante de la demande, les industriels de la filière des matériaux biosourcés ont investi en masse ces dernières années pour augmenter leurs capacités de production. Ainsi, depuis 2020, ce sont près de 150 millions d’euros qui ont été investis en France par les différents acteurs de la filière.

À l’instar du groupe Soprema qui avait inauguré 2 nouvelles lignes de production d’isolants biosourcés en 2021 (représentant une capacité de production de 90 000 tonnes) et annoncé la construction d’une nouvelle usine dédiée à la fabrication de ouate de cellulose, Isonat (filiale biosourcée de Saint-Gobain) a également doublé sa capacité de production d’isolant en fibre de bois en 2023 grâce à une nouvelle ligne de production qui lui permet de produire 42 000 tonnes par an.

Cavac Biomatériaux achève en 2024 une nouvelle usine dédiée à la production d’isolant biosourcé qui lui permet de tripler sa capacité de production actuelle, passant de 150 000 m3 à 450 000 m3 par an.

 

Une capacité de production bien supérieure à la demande actuelle

Bien que la demande en matériaux biosourcés a fortement augmenté avec la règlementation environnementale RE2020, la filière n’exploite pas tout le potentiel de sa capacité industrielle.

L’ECIMA par exemple, estime que la capacité maximum potentielle des usines de ouate de cellulose en France pourrait être 67% plus élevée qu’aujourd’hui. En effet, ce sont 60 000 tonnes de ouate de cellulose qui sont produites annuellement en 2023 alors que la filière pourrait produire plus de 100 000 tonnes avec les mêmes ressources industrielles.

Selon l’ADEME, l’utilisation au maximum des capacités annuelles des acteurs français permettrait d’augmenter les volumes de textiles recyclés consommés pour l’isolation du bâtiment à hauteur de 20 à 50 000 tonnes / an contre 10 à 15 000 tonnes actuellement, soit plus du double de la consommation actuelle.

 

Ainsi en tenant compte des capacités réelles des industriels de la construction biosourcée, en 2025 ce sont 60 millions de m2 de matériaux biosourcés qui peuvent être produits par an, soit 288 000 tonnes[1].

 

Si les politiques publiques en matière de construction bas-carbone semblent soutenir la filière avec l’intégration d’un seuil minimal d’intégration de matériaux biosourcés dans les rénovations lourdes et les constructions relevant de la commande publique, cette capacité de production de la filière industrielle de matériaux biosourcés est-elle suffisante pour répondre à ces enjeux ?

Les objectifs d'ici 2050

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a confirmé l’intérêt d’utiliser ces matériaux dans le secteur du bâtiment. L’article 5 précise notamment que « l’utilisation des matériaux biosourcés concourt significativement au stockage de carbone atmosphérique et à la préservation des ressources naturelles » et « qu’elle est encouragée par les pouvoirs publics lors de la construction ou de la rénovation des bâtiments ».

Dans ce sens et d’ici 2050 ce sont 400 millions de m2 de bâtiments publics qui doivent être rénovés par l’État et les collectivités[2] dans le cadre du « chantier du siècle », soit près de 15 millions de m2 par an.

L’Article L228-4 du Code de l’environnement indique par ailleurs, qu’à compter du 1er janvier 2030 l’usage des matériaux biosourcés ou bas-carbone représentera au moins 25% des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique.

 

Les besoins en biosourcés pour la rénovation des bâtiments publics d'ici 2050

Dans ce contexte, nous proposons 2 hypothèses pour évaluer les besoins en matériaux biosourcés qui permettraient de répondre aux enjeux de la rénovation des bâtiments publics, sur la base de ce taux d’usage de 25% tels qu’indiqué dans le Code de l’environnement, et considérant les 2 premiers seuils d’intégration de matériaux biosourcés tels que définis dans le label « Bâtiment biosourcé »[3].

 

Le label d’État « Bâtiment biosourcé » permet de valoriser l’utilisation des matériaux biosourcés dans la construction. Il définit un cadre réglementaire, d’application volontaire. Il dispose de plusieurs niveaux d’exigence quantitatifs (en fonction de la masse mise en œuvre) et qualitatifs (fiche de déclaration environnementale et sanitaire, recourt au bois issu de forêts gérées durablement, assurer une faible émission de composés organiques volatils).

Le périmètre du Label « Bâtiment Biosourcé », s’il inclut toutes les typologies de bâtiments, se limite à la construction neuve.

Il a été défini par le décret n° 2012-518 du 19 avril 2012 relatif au label Bâtiment biosourcé et l’arrêté d’application du 19 décembre 2012 relatif au contenu et aux conditions d’attribution du label Bâtiment biosourcé.

Trois niveaux de labels sont définis selon le taux minimal d’incorporation de matière biosourcée pour chaque catégorie de bâtiment. Une exigence en termes de mixité des produits est également définie :

Taux minimal d’incorporation de matière biosourcée du label « Bâtiment biosourcé » (kg/m2 de surface de plancher)
  1er niveau 2ème niveau 3ème niveau
Maison individuelle 42 63 84
Industrie, stockage, service de transport 9 12 18
Autres usages (bâtiment collectif d’habitation, hébergement hôtelier, bureaux, commerce, enseignement, bâtiment agricole) 18 24 36

Hypothèse N°1 : intégration de matériaux biosourcés à hauteur de 18 kg/m2 SDP

Pour répondre aux besoins du « chantier du siècle » avec 14 814 815 m2 de bâtiments publics à rénover par an, si l’on considère un seuil d’intégration de matériaux biosourcés à 18 kg/m2 SDP (correspondant au 1er niveau du label Bâtiment Biosourcé), il faudrait 66 667 tonnes de matériaux biosourcés par an, soit 23% de la capacité de la filière industrielle en 2025.

Hypothèse N°2 : intégration de matériaux biosourcés à hauteur de 24 kg/m2 SDP

2ème hypothèse, si l’on considère un seuil d’intégration de matériaux biosourcés à 24 kg/m2 SDP correspondant au 2ndniveau du label Bâtiment Biosourcé, ce sont 88 889 tonnes de matériaux biosourcés qui sont nécessaires pour répondre aux besoins annuels du « chantier du siècle », soit 31% de la capacité de la filière industrielle.

CONCLUSION

Ainsi, dans l’hypothèse où 25% des bâtiments publics doivent intégrer des matériaux biosourcés, aux niveaux d’incorporation tels que définis par les niveaux 1 et 2 du label Batiment Biosourcé, le besoin actuel pour répondre aux objectifs des politiques publiques en termes de rénovation de bâtiments publics est bien inférieur à 50% de la capacité de la filière.

[1] Capacité de production des industriels de la construction biosourcée regroupés au sein de l’AICB

[2] « La rénovation des bâtiments publics : un chantier pharaonique » Le Monde

[3] Sauf cas particulier, en ce qui concerne la rénovation, la teneur en matériaux biosourcés ne pourra être équivalente aux niveaux d’exigences du label bâtiment biosourcé (qui ne concerne que le neuf). Les hypothèses de besoin sont donc supérieures à la réalité du marché de la rénovation.

Crédit photo en une : Bazaar St So by Béal & Blanckaert © Béal & Blanckaert